La France va suivre l'engouement des Anglais pour le collie avec un peu de décalage. La Société Centrale Canine est créée en 1882, 9 ans après son homologue anglais qu'est le Kennel Club. Nous l'avons vu en lisant la page "1870-90,
les précurseurs", la première exposition canine française s'est déroulée dans le superbe cadre du Jardin d'Acclimatation du Bois de Boulogne. Vous pouvez d'ailleurs en lire un exposé complet ici: Le
Bulletin de la "Société Impériale d'Acclimatation"Annales forestières 1863 (page 154 et suivantes).
Mais faut-il assimiler à une exposition canine ce qui a plutôt été une démonstration de chiens permettant à une classe aisée de parader. Il n'en demeure pas moins vrai que ces événements jettent les bases de la cynophilie
telle que nous la vivons aujourd'hui.
Le premier Colley enregistré au Livre des Origines Françaises le sera le 25 avril 1889. Il s'agit d'un chien importé d'Irlande. Quant au Collie Club Français, le 1er club de race, il verra le jour en 1909. Le Dr Sées en sera le premier président.
Ce sont pratiquement les seules informations fiables dont nous disposons pour retracer l'histoire d'une période essentielle pour notre race puisqu'elle correspond à la naissance de la cynophilie, des clubs, des expositions et des races canines. 50 années
résumées en quelques lignes. La refonte du LOF en 1933 marquera le vrai départ de la cynophilie en France. L'étude des pedigrees n'est pas évidente car ils sont rédigés à la main, parfois raturés ou pouvant avoir
des erreurs dans la transcription des noms. Voici, à titre d'exemple, le pedigree de Hellée de la Meyfrenie. Une des chiennes fondatrices de l'élevage de Cabrenysset. Elle porte le n° LOF 1 Col 4. Nous remercions l'élevage de Cabrenysset qui nous
a communiqué ce document.
Par les recherches faites dans les archives écrites de cette époque il est possible de recomposer progressivement le puzzle de l'histoire du Colley en France. Parfois de manière inattendue comme les rapports de Paul Mégnin qui avait en charge le dressage
des chiens pendant la 1ère guerre mondiale ou le compte rendu de la première exposition canine française en 1863 publié dans le bulletin de la Société Impériale d'Acclimatation.
Le journal "Vie à la campagne", daté du 1er mai 1913, consacre un article au Colley (article publié dans la revue du Club des Amis du Colley n°89 de mai 2006, page 10). Cet article a été réalisé chez Mme Guyot, éleveuse
de Colleys dans le Nord de la France. Par son côté vulgarisateur, il nous donne une idée de l'état d'esprit et des motivations des éleveurs au début du 20ème siècle, mais aussi de l'approche que pouvait avoir le néophyte
vis-à-vis du Colley.
"Le Colley, une star incontestée", écrivons nous dans cette page "1800-70, the Farm Collie". Le Colley, décrit par le Dictionnaire géographique universel (édition de 1826); comme étant le vrai chien de berger. Le
Colley, importé massivement par les Allemands à la fin du 19ème siècle pour en faire un chien de guerre. Le Colley, acheté parfois pour des sommes astronomiques par les Américains.
L'introduction tranche singulièrement avec la popularité dont jouit le Colley hors de France, jugez-en plutôt:
- "Le Collie, si longtemps méconnu en France, est maintenant apprécié comme chien d'agrément et il le sera sans doute comme chien de berger.....Les chiens de Berger de toutes races sont fort à la mode depuis quelques
années: parmi eux, le berger écossais est assurément un de ceux qui a le plus bénéficié de la faveur justifiée du grand public, surtout si l'on veut bien tenir compte du temps relativement tout récent où il était
inconnu et méconnu, sur le continent, du moins."
L'auteur de cet article, le Dr Sée, a-t-il voulu utiliser un style journalistique pour rester dans le ton du journal qui va le publier? Il faut tout de même se rendre à l'évidence: le colley était une race inconnue en France, sans doute parce
que de nombreuses races bergères existaient depuis longtemps dans ce pays. A ce titre, la 1ère phrase est révélatrice: "le Colley est maintenant apprécié comme chien d'agrément". Il était donc inconnu du
temps où sa seule capacité bergère était recherchée.
Un commentaire qui claque comme un aveu vient confirmer ce sentiment: "Les idées sur le Collie étaient même si peu fixées et si imprécises que l'on avait fini par donner le nom de Collie à tout chien à longs poils plus ou moins
abâtardi".
La popularité croissante du Colley va toutefois permettre de mettre un terme à cette situation peu orthodoxe. La création du Club de race va permettre de structurer l'élevage. L'enthousiasme de quelques éleveurs va donner au Colley l'image
de marque qu'il mérite..
Mme Guyot en fait partie. "Le Collie, dit-elle, est le chien le plus admirable qui soit au monde, compagnon charmant, amusant, plein de vie, de gaîté et d'intelligence, il réunit tout à la fois: la grâce, la noblesse, l'élégance
et la puissance."
Elle importera de nombreux Colleys, dont Phoebe of Tytton qui remportera plus de 60 prix, la Ch Woodmanstern Rosalinde, gagnante de 20 prix, ou encore Seedley Maggie.
Connaissant bien la race, son commentaire sur le Colley est instructif:
- "Il ne faut pas oublier, en effet, que le Collie est avant tout un chien de berger destiné à la garde des moutons, et cela dans un pays beaucoup plus rude que le nôtre. Mais, en Angleterre même, on semble l'avoir
oublié. Les éleveurs se sont peu à peu écartés du type primitif du Collie Chien de travail. Actuellement ils ne recherchent qu'une chose: l'allongement de la tête; ils l'ont obtenu, certes, mais au détriment d'autres qualités
qu'ils ont reléguées bien à tort au second plan, telles que la musculature, nature et épaisseur de la fourrure, aplombs, port de queue...."
En peu de temps, à peine 30 ans, les éleveurs anglais ont déjà modifié en profondeur la physionomie du Colley. Les gènes ont toutefois ce particularisme de garder la mémoire de leur épopée: Ce sont les caractères
héréditaires de tout être vivant. Ils nous permettent de retrouver nos origines avec certitude. Ils transmettent nos caractéristiques, nos qualités aussi bien que nos défauts. D'un cheptel hétérogène, les éleveurs
avaient déjà tiré parti des particularités de certains chiens pour donner une orientation à la race. Il est intéressant de noter qu'un siècle plus tard ces particularités existent encore. Souvent assimilées à
des défauts, elles pénalisent les chiens chez qui elles se font jour au hasard des brassages génétiques. Nous pouvons citer le museau en nez romain, résurgence de l'apport du Barzoï dans les différents croisements réalisés
dans l'espoir d'améliorer la race.
Nombreuses sont les particularités qui peuvent ainsi réapparaître au gré des mariages. Facéties des gènes, la question peut-être posée de savoir s'il s'agit là de défauts à éliminer, au risque de
diminuer la variabilité génétique de la race. Ou alors de les déclarer partie intégrante et indissociable du patrimoine génétique de la race.
L'anecdote suivante illustre bien ce dilemme. Chronologiquement, elle trouve son origine au début du 20ème siècle, qui est l'objet de cette page. Elle sera relatée beaucoup plus tard par Margaret Osborne et publié par la revue du Club en avril
1967..Elle concerne le fouet de nos Colleys. Un sujet qui anime régulièrement de nombreux débats et enflamme les passions.
- "Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce qu'ont a écrit dernièrement sur ce sujet (article sur le fouet publié dans une précédente revue).
Bien sûr, le standard dit "de longueur moyenne". mais je préfère dire que la dernière vertèbre de la queue doit arriver au moins à la pointe du jarret.
On trouve des collies avec les canons (partie de la jambe entre le jarret et le pied) de longueurs différentes. Aussi, si la queue n'arrive qu'à la pointe du jarret chez un sujet qui a les canons très longs, elle est trop courte pour ce sujet.
A mon avis, il est presque impossible que la queue soit trop longue.. Souvent, on trouve une queue très longue avec un crochet à l'extrémité, ce crochet tournant légèrement vers la gauche ou vers la droite, mais le plus fréquemment
vers la droite.
En Angleterre, nous disons en riant, que ceci est un signe de sang très noble, car presque toujours, j'ose dire même toujours, vous trouveriez chez ces sujets le sang de la lignée des "Backwoods". Cet élevage, avant la guerre, produisait
des sujets très caractéristiques, et a beaucoup apporté à la race Collie."
Miss Margaret Osborne (avril 1967)
Margaret Osborne, éleveuse de Colleys, de Shetlands. Spécialiste de la race par sa longue expérience d'éleveuse sous l'affixe Shiel, elle a publié plusieurs ouvrages sur le colley et a été secrétaire du Club anglais Collie
Association. Tirons-en une conclusion ironique...Si un juge vous dit que votre Colley a le fouet crocheté, répondez lui que c'est un gage de qualité hérité d'une des meilleures lignées de Colleys et que ce n'est donc pas un défaut.
Il n'en demeure pas moins vrai que le devenir de la race est étroitement lié au maintien d'une variabilité génétique aussi large que possible. Il est rassurant de voir combien la diversité des types de Colleys est grande à l'échelle
de l'Europe, et plus encore du monde. (en savoir plus sur les principes de génétique, consultez ce dossier)
Mme Guyot avec 4 de ses Colleys
Journal "Vie à la campagne", daté du 1er mai 1913
(article publié dans la revue du Club des Amis du Colley n°89 de mai 2006) |
De nombreux sujets importés en France au début du 20ème siècle le sont via la Belgique qui développa très tôt un intérêt certain pour le collie. La Princesse de Montglyon est aussi l'une des premières personnes à s'intéresser
à la Race et posséda plusieurs champions dont un étalon anglais 'Barwell Masterpiece', un mâle tricolore né en 1897 et descendant (5ème génération) de 'Christopher' dont
le rôle prédominant a été exposé au début de cette rubrique.
Champion Barwell Masterpiece
(Planche 1, supplément de la revue "Chasse et Pêche année 1901", Le collie "Champion Barwell Masterpiece", appartenant à Mme la princesse de Montglyon) |
C'est après la première guerre mondiale que la Comtesse de la Poix fonda le premier élevage français de collies sous le nom d'Ann's Ville (1920). C'est également elle qui avait fondé en 1912 le premier club de collie. Dénommé
Collie Club Français, les statuts sont déposés par le Dr Sée, premier président du club, le 20 mars 1912 à la préfecture de Paris.
Dans les années qui suivirent, et ce jusqu'en 1940, le collie va connaître un développement régulier ponctué d'un certain nombre de dates importantes.
Il y eut, tout d'abord, la reconnaissance du club de race par la Société Centrale Canine. Puis, en 1933, la refonte du Livre des Origines Français (L.O.F.) va permettre l'enregistrement et le suivi de la généalogie des chiens. Les quatre premiers
collies qui seront inscrits appartiennent tous à Mr René Moli (affixe Cabrenysset) et s'appellent :
1 Altesse des Prémeaux |
2 Gyp des Moors |
3 Yoo Hoos Beauty Yalde |
4 Hellée de la Meyfrenie |
Des élevages naissent un peu partout en France : 'Yoo Hoos Beauty' fondé en 1925 par Mme Pereyrol; 'Scotch Thistle' fondé par Mlle Guibaud; 'de Fromenthal' en 1930 par le Comte de Choiseul.
Et puis cet élevage de 'Cabrenysset', fondé en 1936 et qui existe encore aujourd'hui. Un premier collie en 1932, une chienne sable du nom de 'Pretty of Baroness' qui était une fille du Ch Laund Luke. Par malheur René Moli va la perdre alors qu'elle
n'avait que 7 mois. En mai 1933 il va acheter 'Hellée de la Meyfrenie' qui était aussi une fille du Ch Laund Luke. C'est la première chienne qui reproduira sous l'affixe 'Cabrenysset'. C'était en 1936 et le mâle s'appelait 'Scottich's Legend
Eclipse'. Après la seconde guerre mondiale René Moli importera de nombreux chiens d'Angleterre: depuis l'élevage de Mme George (Beulah's), puis Miss Osborne (From Shiel), Miss Molony (Westcarr's), Miss Grey (Ladypark) et bien d'autres.
René Moli produira une trentaine de champions en cinquante années d'élevage.
1947 - Ch Quiotzie des Mariettes
Outre René Moli, l'évocation du collie en France ne peut se faire sans citer Mme Andrée Grellier qui déposait, en 1949, l'affixe 'de Mandailles'. Un élevage qui rayonnera sur l'Europe continentale en produisant plus de 25 champions dont Toma
Golden de Mandailles qui totalisera 67 Cacib remportés sur tous les rings d'Europe.
Mme Grellier procédera à de nombreuses importations, notamment depuis l'élevage de Mme Eglin (Rokeby) dont un nom restera longtemps dans les mémoires : Deburgh Double Diamond of Rokeby qui sera Champion de France et International. Importé à l'âge de 10 mois, il sera un reproducteur
de grande qualité et donnera naissance à Toma Golden de Mandailles.
La consultation de la liste des champions enregistrés entre 1965 et 1980 en France permet de nous faire une idée sur ce qu'était l'élevage durant cette période : L'élevage de Mandailles arrive en tête avec 22 champions enregistrés,
puis 'Still River' à Mr et Mme Perez avec 13 champions, puis 'Cabrenysset' avec 10 champions. Viennent ensuite en 4ème et 5ème position, l'élevage 'd'Aiguevives' de Mme Moreau (5 champions) et l'élevage 'de Ronceval' à Mr et Mme
Robigo (4 champions).
Dans les années 80 apparaîtront des élevages qui, hélas pour certains, connaîtront des destinées tragiques : L'élevage 'de Florange' en fait partie. Basé sur les lignées Cambiano puis Mybern et Brilyn cet élevage
totalise 8 champions avant le drame qui va l'anéantir en 1991.
L'élevage 'Everblue' a une grande importance pour le collie en France grâce notamment à l'importation du Champion anglais Mybern Merideon. Ce chien trouve ses origines dans les lignées issues du Champion Mybern's Mandane, tout comme le Champion
Amalie Best Bitter exporté d'Angleterre en Hollande. Ces deux mâles tricolores sont à l'origine d'un magnifique courant bleu et tricolore dans toute l'Europe Occidentale. Le prolongement français le plus probant étant sans aucun doute l'élevage
'du Clos des Centaures'.
Pelido Kings Councel: Bien qu'il n'ait jamais vécu en France, son influence y est pourtant importante et il doit être cité. Pelido Kings Councel, par ses formidables qualités de reproducteur, laissera une nombreuse descendance de grande valeur
pour la race. Deux de ses enfants se sont illustrés en France : Le Champion Dylan de la Ferme des Blés Dorés (Ch de France, Belgique et International) et surtout le Champion Edward
de la Bergerie des Quatre Vents qui est champion International et qui gagna l'exposition mondiale de Dortmund en 1991. Avec une influence particulièrement marquée sur sa descendance féminine il fait le prestige de l'élevage 'des Marécages
du Prince' à Mr et Mme Bisconte.
L'élevage en France continuera certainement à suivre les courants de sang qui dominent en Angleterre même si, à l'heure actuelle, il n'y a pas de leader incontesté. Le patrimoine génétique est suffisamment riche pour que
périodiquement apparaissent des chiens qui insufflent une nouvelle dynamique à la race : Christopher, Ch Poplar Perfection, Eden Examine, Ch Mywicks Meadow Lancer, Ch Aberthorne Arrester............Qui sera le suivant?
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1937 - un couple de colleys
1953 - Green Mill's Aaran Laird
1966 - Ch Juc of Still River
2000 - Ch Narwick Silver Blue de Cathyja
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