Décès d'une chienne Colley le 12/08/2010 suite à tentative de traitement d'une gastro-entérite en clinique vétérinaire.

L'Emeprid est un nouveau médicament (AMM octroyée le 5/10/2009) dont la molécule active est le métoclopramide. Ce médicament est un antiémétique et un régulateur de la motricité du tube digestif.
Il est utilisé dans le traitement des nausées et des vomissements.

La chienne a reçu une injection d'Emeprid pour traitement d'une gastro-entérite.
Elle a immédiatement réagi et est morte dans les 3 heures.

Le praticien n'a jamais voulu répondre à l'éleveuse qui a essayé de le joindre par téléphone à différentes reprises.
Les premiers éléments transmis par l'éleveuse font apparaître que la chienne a également été traitée avant la visite chez le vétérinaire par le VETRANQUIL pour prévenir le mal des transports.


Vetranquil:
La molécule active est l'Acépromazine qui est un substrat de la P-gp.
Le RCP du Vetranquil [cliquer ici] comporte une mise en garde au point 4.8:

  • Interactions médicamenteuses et autres
    D'autres interactions ont été relevées avec les molécules suivantes : l'adrénaline, la quinidine, le métoclopramide, la morphine, les antidiarrhéiques, les antiacides.

Emeprid:
La posologie recommandée de 1 mg/kg/j pour un chien pesant 20 kg. La dose journalière doit être fractionnée en 2 ou 3 prises. L'intervalle entre deux administrations ne devrait pas être inférieur à 6 heures.
Le RCP de l'Emeprid [cliquer ici]
Le point 4.8 du RCP décrit les risques liés à certaines interactions médicamenteuses, dont celle causée par l'acépromazine:

  • Interactions médicamenteuses et autres
    L'association métoclopramide avec des neuroleptiques dérivés de la phénothiazine (acépromazine) augmente le risque d'apparition d'effets extrapyramidaux


Le métoclopramide, la molécule active de l'Emeprid, interagit avec la P-gp. Une étude réalisée par des scientifiques Américains publiée en octobre 2004 a essayé d'évaluer l'impact d'une trentaine de molécules (dont le métoclopramide) sur le SNC (Système Nerveux Central) et le rôle joué par la P-gp.[cliquer ici]
Les tests ont été pratiqués sur des souris mutées (-/-) symbolisées par l'abréviation KO (Knockout) par rapport à des souris non mutées symbolisées par l'abréviation WT (Wild Type)

 


Les concentrations cérébrales qui ont le plus fortement augmenté en l'absence de P-gp sont le métoclopramide (6,6 fois), la rispéridone (10 fois), et 9-hydroxyrispéridone (17 fois). Ce qui prouve que la P-gp joue un rôle dans le transport de la molécule de métoclopramide à travers la barrière hémato-encéphalique.

Rapport d'expertise de pharmacovigilance du 22/03/2007
En 2005, la Commission Nationale de Pharmacovigilance Vétérinaire a décidé de mener une étude sur les effets indésirables après exposition au métoclopramide. Les déclarations de ce rapport ont été notifiées entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2004. Pendant les six années de veille, au total 134 déclarations relatant des effets indésirables, ont été
recensées après administration de métoclopramide, principalement à des carnivores, dont 101 concernent des chiens. Sur ces 101 déclarations, 14 chiens sont morts. [ Etude des effets indésirables après exposition au métoclopramide ]
Malheureusement, la race n'est spécifiée que pour 12% des animaux.
Les conclusions ne permettent pas la mise en cause de la molécule:
"Selon la classification européenne, l’incidence des effets secondaires est très rare pour les chats , et rare à
très rare pour les chiens."

L'étude recommande toutefois de compléter les rubriques de la notice en apportant quelques précisions au sujet des dosages et des effets indésirables.

Que penser d'une telle étude si nous prenons en considération le cas concret de l'accident survenu à cette chienne qui ne fait l'objet d'aucun rapport et ne sera jamais décrit dans aucune évaluation. Combien d'autres cas identiques, passés et à venir, ont été, et seront ignorés?
Nous pouvons toutefois retenir de cette étude que:

  • 3 déclarations où l'imputation pour le métoclopramide est possible sont résumées dans le document. La réaction est rapide, immédiate dans un cas, 30 minutes à 1 heure pour les 2 autres avec mort dans les 3 heures.
    (NDLR: Des réactions décrites dans ce document qui correspondent à celles de la chienne Colley)
  • Le rapport fait remarquer que le dosage est peu respecté:
    "Il convient toutefois de souligner que la dose journalière est souvent administrée en une seule prise au lieu d’être fractionnée en deux ou trois prises."

En l'absence d'informations précises qui auraient pu être fournies par le vétérinaire qui a tenté de soigner la chienne, nous ne pouvons que formuler constatations et hypothèses.

  1. Le respect du dosage, et de son fractionnement en 2 ou 3 prises par jour, n'a peut-être pas été respecté. Les informations mentionnées sur la notice du produit ne sont peut-être pas mises en évidence comme il le faudrait.

  2. Compte-tenu du profil MDR1 connu de ses frères et soeurs, la chienne était soit hétérozygote (+/-), soit homozygote (-/-) pour la mutation. Un profil MDR1 qui a favorisé l'accumulation du métoclopramide dans son système nerveux central.

  3. La conjonction de 3 événements que sont la prise de ces 2 molécules, l'acépromazine et le métoclopramide, et un profil MDR1 inconnu mais qui est, soit (+/-), soit (-/-), a probablement provoqué une augmentation considérable des effets indésirables au niveau du SNC responsable d'une réaction aussi violente.

  4. Cette réaction ayant entrainé la mort dans les 3 heures correspond aux observations décrites par le rapport de pharmacovigilance dans les 3 déclarations où l'imputation pour le métoclopramide a été reconnu comme possible.

  5. Il est peut-être nécessaire de diminuer le dosage pour les races concernées par MDR1 tout en conservant le fractionnement journalier. Il serait alors souhaitable de préciser cette spécificité causée par MDR1 et leur sensibilité accrue à la molécule sur la notice d'utilisation du produit. Il semble nécessaire de mettre en évidence l'obligation de respecter scrupuleusement les dosages, et même de les réduire chez les chiens appartenant à ces races.
    Il est intéressant de noter que le Motilium, un produit analogue à l'Emeprid, mais dont le principe actif est la molécule de dompéridone, affiche une mise en garde sur son RCP [Motilium, voir le RCP] vis-à-vis des Colleys alors que cette molécule est décrite pour passer moins facilement la barrière hémato-encéphalique que le métoclopramide.

Nos conclusions:

  • L'ensemble de ces études, notamment l'étude réalisée par Angela Doran et les scientifiques du laboratoire pharmaceutique Pfizer, ne peuvent que nous inciter, par mesure de précaution, à recommander la plus grande prudence quant à l'utilisation de spécialités dont la molécule active est le métoclopramide.

  • La prévention restant la meilleure des protections, nous vous recommandons de faire tester vos chiens afin de déterminer leur profil MDR1. Ce tragique exemple montre comment des associations de produits en apparence anodins peuvent potentialiser leurs effets et avoir des conséquences dramatiques.

  • Un kit MDR1 est désormais disponible en téléchargement [voir page suivante Tests de dépistage]. Il est composé de 4 pages au format pdf pour expliquer la mutation MDR1 (2 pages), auquel s'ajoute une 3ème page avec une liste de vermifuges, bons et mauvais, pour nos chiens. La 4ème page contenant 2 étiquettes d'avertissement.
    L'éleveur peut imprimer le kit et donner les documents à ses clients. Les pages 3 et 4 sont à découper et glisser dans le carnet de santé du chien. Tout possesseur d'un chien d'une race concernée peut télécharger ce kit pour son usage personnel. En abuser est sans danger, au contraire, il est même souhaitable de le diffuser.

(12/11/2010)